Abdelali Sahtoute
Né en 1956 à Salé au Maroc, Abelali Sahtoute a fait ses études primaires à l'École des Remparts puis au collège dit du Plateau et du Ayoubi y découvrant son don pour la peinture. Sa première exposition date de 1972, il avait 16 ans. Ce qui l'incitera à s'inscrire à l'École Nationale des Beaux-Arts de Tétouan (section peinture) chez le professeur Meki Megara « Un grand artiste, qui m'apprit à regarder autrement les formes et les couleurs, à développer mon sens de l'observation », dit-il.
Diplômé de cette prestigieuse école, il obtint une bourse du ministère de la culture pour poursuivre ses études artistiques. Désirant s'établir dans un pays francophone, il s'inscrit à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles
dont il suit les cours pendant quatre ans et où il fut initié à la gravure par le professeur Francis Brichet. Diplômé, et ne disposant plus de la bourse marocaine il s'inscrit cependant pour deux ans à l'École supérieure d'art visuel de Mons et reste très influencé par le profes- seur Gabriel Belgeonne (grand artiste sensible à la subtilité de la matière et lauréat de nombreux prix nationaux et internationaux).
Installé comme artiste peintre et sérigraphe, marié, il se fixe près de Gand y poursuivant sa carrière artistique. Il est d'ailleurs reconnu en Belgique, plus qu'en France ou au Maroc.
Peu enclin à peindre des paysages, il exploite ses capacités de dessinateur pour mettre en scène le corps humain qu'il couvre pudiquement. Il n'en laisse souvent paraître que les bustes et les mains traitées de manière précise et vériste mettant en traite l'anatomie musculaire. Il réalise des séries, pour mieux saisir le caractère, en découvrir la plénitude.
Si parfois le visage est parfaitement rendu comme dans ses toiles intitulées
«Vision », «The Switching», «Obsession» ou de profil «Métamorphose» ou «Tran- sition », les yeux restent fermés comme si le personnage était en méditation, isolé de la foule, sans déformation ni artifice dans cette simplification de l'intrigue, prétexte à la création d'une réalité supérieure et sublime où se traduisent leurs personnalités.
Comme il l'a écrit les titres de mes œuvres sont une expression émotionnelle qui prend naissance durant l'évolution du travail sur la toile», mon expression picturale comporte un message, celui de l'incompréhension». Comme Henri de Waroquier, il n'écoute que son propre sentiment et seul le sujet qui le retient et qu'il se propose de transcrire, comme par exemple cette toile déjà citée "Switching" où l'on voit la tête du personnage représentée trois fois qui balance à la recherche de l'identité entre deux cultures ce qui correspond bien à l'artiste qui se trouve tiraillé entre ses origines marocaines et son établissement en Europe.
Parfois comme sur cette toile et celle intitulée "Message" se développe un pseudo texte arabe, il est purement graphique et ne comporte aucun sens. "Même les mots tombent en poussière" aime-t-il préciser!
Si la science, c'est l'intelligence du sensible, ce qui est perçu affectivement, "ce qui est éprouvé corporellement de la chair du monde", pour reprendre l'expression de Merleau-Ponty, peut recevoir une certaine intelligibilité, l'esprit humain peut tenter de comprendre ce qui s'y joue. C'est le cas d'amateurs confrontés à certaines toiles d'Abelali Sahtoute qui montrent des personnages hommes ou femmes dont la tête disparaît sous une abondante chevelure où se trouve cachée sous des voiles volontairement serrés et que maintiennent les mains dans "Complicité ", ou bras et mains dans « Protection». En faisant disparaître le visage et la tête l'auteur veut montrer qu'ils ne sont pas importants. Il veut diffuser, faire rayonner ce qu'ils contiennent d'idées et d'avenir, de souvenirs, d'expériences mais aussi contenir la tête, le plus longtemps possible avant qu'elle n'éclate, dispersant alors ce qu'elle contient de positif et de révolutionnaire pour l'humanité.
Cependant, l'artiste n'est pas fasciné par les brillantes constructions intellectuelles qui peuvent séduire le public avide de nouveauté. Au contraire, sa palette est réduite, au blanc, souvent plus gris que blanc et quelques bistres, la plus gris que blanc et quelques bistres, la couleur chair, n'est soutenue que par des traces de vert, de bleu ciel ou de rouge. Ne dit-il pas : « Les émotions et l'énergie du corps humain restent pour moi une source inépuisable, je les traduit par le biais de la technique la plus raffinée jusqu'aux touches brutes. Ce sont des codes qui me permettent de distiller mes sentiments invisibles »... Une intelligibilité qui ramène à un univers d'esthétique et de poésie!
Et là, l'intelligence est l'interprète des choses entrevues, elle chante leurs louanges et réfléchit aux voies qui les unissent, mènent à elles la sensibilité ennoblie par la réflexion et reflète enfin les forces et les activités dispersées dans le Tout et révèle à l'âme, autant qu'il est possible, le sens caché des choses. On pourrait croire que l'artiste est moralement dubitatif voire d'un pessimisme aigu, au contraire c'est quelqu'un de très sociable, avenant, souriant qui attire la sympathie, une personnalité rayonnante, cultivée et érudite dont l'attitude en société n'est que jovialité.
Sahtoute est un peintre qui aime les grands formats. Il a un message à faire passer, une philosophie qui lui est propre, confronté à l'ambivalence de civilisations différentes et de cultures non complémentaires qu'il lui est difficile de sérier. Il ne retrouvera, c'est certain, un équilibre que lorsqu'il s'établira au Maroc, bientôt, ayant acquis une demeure et un atelier à Marrakech. Cela changera peut-être sa manière de s'exprimer. En effet, dans son œuvre la représentation d'un cheval se roulant par terre, semble tellement naturel! L'artiste l'a représenté dans une position difficile tant les perspectives sont dures à saisir, dessiner un cheval est déjà une prouesse.
Il nous donne à voir ainsi, sa grande habileté technique, acquise à Bruxelles lorsqu'il s'adonnait à la gravure.
Il voit dans cette toile intitulée « Bain de soleil » l'image de la plus noble conquête de l'homme représentée le plus souvent sur pied, s'abaissant à terre par la force de la nature comme une humilité.
Si j'ai pu mettre en lumière, l'exceptionnelle valeur d'un artiste qui cherche en lui la joie de s'exprimer, on peut penser que de cette lente et peut-être douloureuse germination va éclore cette œuvre unique, tendre et violente, stoïque et sans complaisance qui s'achemine avec acuité et émotion vers ses œuvres futures. Mais pour lui «l'Art n'est pas là que pour l'Art», il est pour l'homme comme le disait le peintre Paso-Klein, « L'homme n'est pas un état mais un état mais un mouvement, et si c'est dans mon cœur que se forme mon œuvre, c'est la main qui rend visible l'énergie créative».
Daniel Couturier Critique d'art (France)
Émotions exacerbées, souffrance ou méditation s'emparent de l'œuvre de l'artiste Abdelali Sahtoute, conférant à ses toiles des intrigues saisissantes. Par la représentation des postures du corps, des expressions et des tons discrets, l'artiste expose la colère, la complicité, la séparation, l'obsession ou le paradoxe.
Le lien entre l'artiste et ses créations est solide et inexplicable.
Depuis son jeune âge, Sahtoute a fait plusieurs expositions individuelles et collectives ainsi que des manifestations culturelles, au Maroc, Espagne, France et en Belgique.
Il vit et travaille en Belgique.
Source: Espaces Rivages
EXPOSITIONS
- 2014: Théâtre National Mohamed V, Rabat, Maroc
- 2013: Galerie Lil Biennale d'Art Paris, France
- Rotsaert, Wortegem-Petegem, Belgique Paarden op ezels, Waregem, Belgique FIAPS, Settat, Maroc S-Pass, Melle, Belgique
- 2012: Insdcage, Ghent, Belgique
- 2011: S-Pass, Melle, Belgique
- Installation VAO, Gavere, Belgique
- 2010: Hotel 1815 Waterloo, Bruxelles, Belgique Sala de Nerja, Espagne
- Dorp aan de schelde, Gavere, Belgique
- 1986: 8ème festival Van Antwerpen, Belgique
- 1983: Bedford Art Gallery, Bruxelles, Belgique
- 1977: Galerie Bab Rouah, Rabat, Maroc
- Expo. collective à l'office du tourisme de Tétouan, Maroc
- Expo. collective à la bibliothèque générale de Tétouan, Maroc
- 1976: Peinture collective, Centre culturel de Tétouan, Maroc
- 1972: Exposition collective peinture Rabat-Salé, Maroc