Abdessamad Bouysramne
La dégaine de jeune premier, la mise assez branchée, Abdessamad Bouysramne semble être bien dans ses baskets. Ce qui est saisissant chez lui, c’est qu’il ne correspond nullement à la représentation convenue de l’artiste, car indéniablement il en est un.
S’il en possède indiscutablement la stature, il n’en adopte pas la posture. Ni outrecuidance, ni esbroufe, mais un franc parler attachant, une appréciation lucide de l’univers dans lequel il est immergé, celui des arts plastiques.
Plaisirs et déplaisirs
Son enfance ne le prédisposait nullement à cette vocation d’homme à pinceaux, brosses, toiles… A sa naissance en 1995, dans un de ces quartiers marrakchis sur les pesanteurs desquelles se fracassent les rêves de mieux-être des familles en quête d'horizons moins hostiles, Derb El Hammam, son géniteur, un fqih, fit le serment de ne jamais laisser ce rejeton, ce don de Dieu, manquer de quoi que ce soit. Plus l’enfant grandissait, plus son père lui consacrait du temps, lui inoculant des principes moraux et lui enseignant des règles de conduite exemplaires.
C’est dans un contexte de fécondité affective que s’écoule la petite enfance d’Abdessamad. Studieux, poli et propre comme un sou neuf, il en savait davantage que ses camarades, à l’école, en tirait avantage, dans la plupart des matières, pour franchir, sans coup férir, les étapes du cycle primaire. S’acquittant brillamment des tâches scolaires, il cristallisait encore plus l’attention des parents. Il est bichonné, dorloté, chouchouté. «Mon enfance était portée par le sport. J’ai pratiqué le karaté et participé à plusieurs championnats nationaux et régionaux, dont celle de la Kata (…) Etant champion à plusieurs reprises, je devais passer de la ceinture marron à celle noire, mais j’en étais privé faute d’âge», raconte-t-il.
Douze ans, l’âge le plus fragile, l’interstice entre enfance et adolescence. Persuadé que l’école était son unique planche de salut, Abdessamad mit une étonnante ardeur à ses études. Arrivé au tronc commun, il découvre qu’il a la scoliose, pathologie qui touche la colonne vertébrale. Déception. Doublement ligoté, il subit quelques mois après une entorse qui, allant jusqu’à la déchirure, le cloue au lit un bon moment. Revenant d’une deuxième opération, il n’affiche pas son incompatibilité d’humeur avec le moule enseignant, pendant que ses camarades mettaient à rude épreuve leurs méninges dans les solutions de problèmes arithmétiques. Ayant opté pour les sciences, Abdessamad change de cap et bifurque vers les arts appliqués.
«Ce n’était que par pur hasard, soulignet-il, car je ne savais que faire de ma vie (…) Le début a été dur, d’autant que je ne savais pas dessiner. Pour progresser, j’ai fait beaucoup d’exercices (avec une voracité insatiable et une frénésie compulsive – ndlr)», explique-t-il. Bac en poche, Abdessamad déserte son Marrakech natal pour se transplanter à Tétouan. L’Institut national des beaux-arts l’accueille-t-il à bras ouvert ? Loin s’en faut, il rebrousse chemin la peinture en pleine figure.
C’est à l’école des beaux-arts de Casablanca qu’il obtient, en 2017, haut la main son diplôme. 26 ans et un talent incommensurable, récompensé par le 1er prix de la calligraphie contemporaine, honoré par le Roi Mohammed VI. Le lendemain de cette distinction qui lui est allée droit au cœur, il se réveilla comme le ravi de la crèche. Ebahi, heureux de vivre, comme il ne l’avait jamais été. Consécration légitime, tant Abdessamad est méritant. Sa peinture.
Source: FNH