Booshra Mastour
Plus j'avance, plus ma vision se dépouille.
Loin d'être un élan volontaire à la base, c'est surtout le constat personnel de l'ensemble de mes expérimentations artistiques dressé sur un chemin rendu de plus en plus libre.
Les tableaux que je peins donnent à vivre bien plus dans l'obscurité que sous l'éclairage. Les médiums qui me servent se mélangent pertinemment à l'huile sans menacer la
pérennité de l'ensemble, quoique l'on puisse entendre.
Un pinceau seul me cantonnerait, même s'il m'est précieux. Un chevalet me fige. Un châssis me restreint.
Avant d'aimer la peinture, j'aime les matériaux et les outils.
J'aime peindre un tableau comme on cuisine quand on considère l'ingrédient et l'outil. Cette seconde suspendue où quelque chose en nous, en mesure le respect, et en reconnaît pleinement la beauté d'abord.
S'en saisir. L'observer, le humer ou le goûter.
Recevoir, soupçonner sa résonnance, puis savoir instantanément la richesse de son information multiple sans avoir besoin d'en connaître (intellectuellement) les nombreuses vertus.
Celles ci se dévoileront tôt ou tard.
Créer?
Dès les premiers dosages de pigments on s'apprête à "co-créer" avec une fréquence offerte.
Dans ma vision, se développer en autodidacte est une école où toutes les disciplines du vivant SONT L'Enseignement Artistique.
Qu'il s'agissent de sciences, de gastronomie, de médecine, d'arbres, de fourmis,
d'avancées dans les découvertes sur notre univers, ou sur notre cerveau humain: Tout à
mes yeux s'unit pour participer à la cocréation de notre évolution et nous enseigner l'Art avec un grand A.
En peinture, comme dans toute autre activité, plonger dans le détail est un élan majeur si l'on souhaite réellement s'offrir et s'accompagner d'évolution. L'Art, la peinture, le travail, c'est pénétrer un peu plus de conscience à s'offrir.
Pouvoir ensuite le partager à son prochain, qu'il soit au nombre de un ou de l'humanité.
Faire de la place à cette clarté avant de dire Bismillah ou Bereshit.
C'est d'abord s'ouvrir à ce qui nous échappe de si «discret». C'est un choix. Un engagement. L'observer pleinement.
Renoncer, volontairement, à évincer trop rapidement les contours inconnus qui remettraient en question ceux qui nous sont établis, intégrés, maitrisés.
Peindre, pour moi, c'est ça.
C'est l'écriture d'un ouvrage intime et pourtant ô combien commun à tous.
C'est la retranscription, le rappel, le témoignage du vivant qui nous flanque. Peindre c'est savoir qu'on est grand sans jamais perdre de vue à quel point on est petit. C'est voir son travail autrement, le faire dans un autre rythme.
S'installer dans un espace intérieur plus large et non formaté... finit par être volontaire.
Je ne sais réellement que quand je sais que je ne sais rien....c'est ce que la peinture me donne à découvrir. Alors.... Sois calme et sais.
Dès lors tout se construit, et ce qui nous échappe apparaît.
Vibrant, comme sortit du néant.
Vibrant, comme si d'un «rien»> naissait «tout».
Rien d'ésotérique ou de spirituel.
Rien de mental ou d'intellectuel.
Rien n'est à croire. Rien n'est à connaître.
Tout est à observer, à expérimenter soi même.
Expérimenter. Soi même.
Plonger dans le détail s'avèrera aussi grandiose et sans fin que plonger dans l'infiniment grand de l'univers ou se saisir de l'infiniment petit d'une cellule.
Une cellule ne connait rien, elle sait.
Une planète aussi.
Vous parler de ma peinture.....
Mes portraits sont intimes et exigeants.
Je suis forcée de constater qu'ils se savent plus qu'ils ne se blablatent.
Les raconter serait les trahir.
Ils ne s'exposent pas facilement; et ce n'est pas une question de dimensions. Pas de celles qui se mesurent en mètres.
Ils ne s'exposent pas facilement parce qu'ils ne s'exposent pas de façon classique ou traditionnelle pour une expérience pleine.
Pour se dévoiler, la toile exigerait «trop» d'un espace qui ne s'agencerait pas à ses desideratas, et offrirait «peu» à un public en nombre.
Là où, individuellement, en duo ou en quatuor, il devient possible d'accéder à une réelle rencontre artistique.
Le portrait s'exprime librement quand l'hôte s'invite d'une présence intégrale et lui accorde un silence absolu.
Ne rien s'imaginer, ne rien attendre.
Accepter de se poser un instant dans l'obscurité et observer.
C'est là. Dans ce Temps suspendu. Dans le noir et dans le rien.
Que se dévoile (dans un langage probablement commun à l'humanité), tout ce dont la
peinture est porteuse à mes yeux, et par là même, le partage de ma vision, de mon chemin aujourd'hui.
L'atelier reste le lieu qui porte et voit naître les œuvres.
Le lieu «d'être» indissociable de l'artiste.
Il est la galerie intime où tout se conscientise, se dessine, se manifeste et se meut pour
prendre vie.
Le plus adéquat, ajusté et aligné pour permettre aux humbles amoureux de l'art ou de la
vie, l'expression, l'essence d'un travail, et l'expérience d'une peinture telle qu'elle est, sans risquer d'en élaguer la moindre nécessité d'être.
Source: Booshra.com