Maria Malard
Née au Maroc de parents espagnols, Anna Maria Malard traduit des états d’âme et des sensibilités via des toiles qui se veulent des empreintes de la touche expressionniste dans ses valeurs chromatiques vives et rythmiques. Chez elle, la peinture est une quête de la vérité. Elle l’exprime telle qu’elle la ressent et qu’elle a subtilement harmonisé et mise en accord pour qu’elle rentre efficacement en résonance avec l’âme du spectateur. Cette liberté acquiert une vie autonome, elle devient un sujet indépendant animé d’un souffle spirituel : « Je suis profondément secrète, exclusive. Je ne suis pas une artiste « mondaine ». Je ne le serai sans doute jamais. Peindre, c’est aussi prendre le parti, à son issu, de s’isoler des autres. Ce n’est pas calculé, c’est comme ça. Pendant des années, j’ai peint la nuit …Forcément, ça isole … Peindre fait partie de ma vie et conditionne mon équilibre. C’est dans la matière que j’exprime ma force. La peinture est un ressenti indéfinissable.», confie l’artiste.
Ses créations s’organisent alors en impressions (dépendant de la réalité pittoresques du Maroc), en improvisations et en compositions (des improvisations plus spontanées, s’appuyant sur des images afférentes aux jarres, aux masques et aux marabouts.).
La forme libre des motifs est l’expression intérieure du contenu extérieur. Après un grand parcours artistique, le souffle revient avec la réinterprétation des espaces sacrés et des théières chinoises à travers une peinture éloquente et colorée saisie par les lumières nocturnes dont le souci majeur est la reconstruction de son propre monde intimiste sous le signe du spirituel : l’artiste développe ses recherches dans la réflexion comme dans la pratique,en se libérant du carcan des démarches classiques.
Récemment, elle est impressionnée par la représentation des jarres arabes qui peuplent son jardin, ce qui montre la puissance de la couleur utilisée presque indépendamment de l’objet lui-même et révèle sa culture maroco-espagnole.
C’est le droit de rêver voire le droit de l’artiste à la liberté illimitée, une liberté fondée sur la nécessité intérieure de façon mystérieuse et mystique.
La jeunesse et la vie de Maria Malard au Maroc lui apportent une multitude de sources d’inspiration. Elle a été toujours fascinée et exceptionnellement stimulée par la magie de la lumière. C’est toute une synesthésie qui lui a permis d’entendre les couleurs comme des sons musicaux. Sa fascination pour les couleurs claires donne une idée générale sur sa dimension naturelle : « L’important pour moi, c’est la couleur : je suis une coloriste. Ensuite viennent les matières. »,nous révèle l’artiste.
Maria Malard a l’impression de se mouvoir dans ses tableaux égorgés par les couleurs les plus chatoyantes. Son étude des textes mystiques a jailli sur son œuvre autobiographique, en s’inspirant de l’artiste russe Wassily Kandinsky qui a écrit que « la couleur est le clavier, les yeux sont les marteaux et l’âme est le piano avec les cordes. »
La nécessité intérieure demeure le principe de l’art pictural et le fondement de l’harmonie des formes et des couleurs. C’est tout un art d’assurer le contact efficace de la forme avec l’âme humaine. Toute forme est la délimitation d’une surface par une autre, elle possède un contenu intérieur qui est l’effet qu’elle produit sur celui qui la regarde avec attention. Le mysticisme a eu une grande influence sur l’art de Maria Malard qui ne cherche pas à représenter catégoriquement le monde extérieur mais simplement à exprimer de façon spontanée des sentiments intérieurs à l’âme humaine. L’artiste introduit parfois des textes de Oumar Khayam et Jalal Iddine Roumi pour marquer cette dimension mystique plus élaborée et plus longuement contemplée comme une prière énigmatique devant l’absolu.
Dans ses œuvres récentes, un certain nombre de caractéristiques sautent immédiatement aux yeux tandis que certaines sonorités sont plus discrètes latentes, c’est-à-dire qu’elles ne se révèlent que progressivement à celles qui font l’effort d’approfondir leur rapport avec l’œuvre et d’affiner leur regard :les masques africains, les palmiers bleus, le désert, la pureté, la sainteté, les marabouts encadrés de noir, les dômes, le bleu de porcelaine de Chine, le deuil de son mari, les signes chinois, le collage et la matière, la calligraphie arabe, la couleur dorée, une grande tristesse intérieure, le rouge comme couleur chaude et agitée, les formes qui possèdent une force immense, le mouvement en soi…
Maria Malard (vit et travaille à Casablanca) exprime avec brio et sans fioritures les effets pathétiques des formes et des couleurs, en interpellant son expérience intérieure avec sa richesse sensorielle et sa propre sensibilité vivante. Il ne s’agit pas d’observations canoniques et objectives, mais d’observations intérieures radicalement subjectives et purement phénoménologiques qui relèvent de ce que le philosophe Michel Henry appelle la subjectivité absolue : « Un nouveau souffle traverse ma toile blanche mettant en scène la danse du trait aux rythmes de mes états d’âme … une autre façon pour me libérer de ma musique intérieure. Rien n’est parfait de mon travail, mais je le fais avec sincérité, en canalisant mes énergies. La nuit et l’aube sont mes moments favoris pour créer. La peinture est le courant de ma vie, elle m’emporte plus que je la suis. Cette confession manque d’ordre …je pars dans tous les sens. L’intranquillité, les déceptions et les doutes m’inspirent. J’ai du mal à parler et à dire le fond de mes pensées, je préfère peindre. C’est plus favorable pour moi. », précise-t-elle. Et d’ajouter : « J’oscille encore entre semi-figuratif et abstrait : je voudrais basculer dans l’abstraction mais il y a encore un fil qui me retient. L’abstraction, on n’y arrive pas comme ça : Il faut beaucoup de travail …Je me rends compte qu’après 40 ans passés à peindre, il faudrait que j’aille de l’autre côté. Je ne suis pas loin, mais je ne suis pas encore arrivée ».
Source: Libération
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