Mohamed Sassa

A l’inverse de nombreux artistes contemporains qui pensent prétentieusement avoir tout inventé en balayant le passé ou même leurs confrères du moment Sassa Mohamed, jeune peintre marocain , s’affirme comme l’héritier d’une tradition et même de ceux pour qui il voue une profonde admiration.
Né dans une famille d’artistes plasticiens et de professeurs d’arts plastiques, il eut dès l’âge de six ans un vif intérêt pour la peinture. Lui-même dit avec amusement « qu’il n’est pas allé vers la peinture mais que c’est elle qui l’a choisi ». De même qu’il poursuit en affirmant être né pour dessiner et peindre. Ce qu’il fit sous les encouragements de sa mère.
Pour lui tout est voué à cet art, ses battements de cœur comme l’air qu’il respire, chaque instant de sa vie. Ecouter parler Sassa de cette passion est saisissant tant on sent qu’elle l’habite entièrement. Cela il le doit également à ses Maîtres. Il cite Léonard De Vinci et Rembrandt qui pour lui sont des références incontournables. Plongeant dans le vingtième siècle il se dit marqué par la liberté et la révolution artistique et humaine de Salvador Dali. Il voue également une passion pour Picasso et sa force de création.
C’est donc armé d’une solide culture artistique et évoluant dans cet entourage privilégié que Sassa va petit à petit se former et acquérir une technique qu’il va rapidement intégrer dans son œuvre picturale.
Ceci l’amènera donc à étendre sa palette entre le portrait, un de ses domaines de prédilection et l’art abstrait pour lequel il voue également une passion. Parler de polyvalence pourrait être préjudiciable et laisser croire que c’est un artiste touche à tout. Ce n’est pas le cas de cet artiste qui a autant de talent pour saisir des personnages atypiques mais bien réels que pour se laisser porter par son imaginaire. C’est pour lui un voyage constant entre le réel et l’irrationnel.
LE PORTRAITISTE DES GENS SIMPLES
Ce qui est saisissant lorsqu’on regarde un portrait dessiné par Sassa c’est l’expression même du visage, le regard du personnage, chaque pli et chaque ride du front, du menton. C’est tout ce qui a pu arriver dans son existence. Les joies comme les souffrances. Derrière ce classicisme que certains pourraient décrier, il y a une évidente humanité.
Lorsqu’on observe attentivement ces portraits, presque tous de personnes mûres et parfois très âgées on s’aperçoit qu’il y a plusieurs dimensions, plusieurs facettes de leur personnalité. SASSA revendique volontiers sa schizophrénie d’artiste car il vit totalement les hommes et les femmes dont il dessine les traits. Face à eux l’artiste disparait pour s’immiscer dans leur vie, leur présent, leur passé, ce qu’ils ressentent au plus profond de leur âme et de leur cœur. C’est ce qui donne à ces hommes et femmes une vertigineuse profondeur.
SASSA Mohamed réfute à travers eux une société où le culte de l’apparence et du superficiel supplante la réalité, celle d’êtres qui vivent la vraie vie, les difficultés mais également des bonheurs intérieurs. Il dit partager avec eux une complicité à la fois réelle et irréelle puisque sans les connaître vraiment il pénètre dans leur intimité. Il s’agit donc d’une lecture psychologique de chacun de ses personnages auquel il se livre.
Mais chaque portrait est pour lui comme un miroir car il reflète ses propres sentiments, ce qu’il ressent dans sa chair et ses os. Chaque portrait est un dialogue entre le peintre et le sujet. Voilà pourquoi chacun de ces personnages semblent délivrer des messages, des secrets enfouis.
Beaucoup de ces dessins sont sobrement composés au stylo bille bleu. Un choix délibéré de la part de l’artiste comme pour mieux confronter une couleur et une matière qui pourraient paraître pauvres avec toutes les richesses et complexités de l’âme humaine. Car ces portraits sont attachants en diable ! SASSA dans son art du portrait nous délivre une grande leçon d’humanité. Et puis n’est ce pas un pied de nez à ces riches mécènes qui demandaient aux peintres de les immortaliser ?
UNE ABSTRACTION LUDIQUE ET POETIQUE
A une question telle que « pensez-vous que dans votre œuvre et en vous il y a une dualité qui vous pousse tantôt vers le portrait tantôt vers l’abstraction ? » SASSA me répondit. Non ce n’est pas du 50/50 mais du 100/100 sinon je perdrai l’équilibre de mon esprit.
Lorsqu’il commence une œuvre abstraite il sent que son âme dépasse le réel pour atteindre une irréalité où il libère son esprit de toute règle, de toute réalité pour qu’elle puisse traduire les moments de sa profondeur et de ses saisons. C’est sans doute pour cela qu’il réfute l’idée même de dualité, plongeant chaque fois totalement dans un univers différent. Il dit combien il souhaiterait transgresser et dépasser les limites de l’irréalité.
De nouveaux chemins s’ouvrent donc à lui, vers une peinture libérée de toute contrainte et comme pour braver ces interdits et marquer également ce passage entre le figuratif et l’abstrait un de ses tableaux montre des silhouettes aux formes allongées, efflanquées semblant prisonnières d’un environnement inconnu. Une façon de dénoncer la non représentation de la nudité dans une société étriquée, certaines conventions picturales et de revendiquer une part de ludique dans son œuvre.
SASSA se révèle ici aussi comme un peintre de la profondeur, mais d’une profondeur plus onirique qui nous emporte vers des rivages plus féériques, inconnus que lui seul pourrait expliquer.
Cette abstraction il la veut à la fois irréelle mais venant de tout ce qu’il porte en lui de mystères, de solitude, de secret. Son imaginaire il nous l’offre comme une part de lui-même.
SASSA est un artiste d’une grande délicatesse, à la fois réservé et enthousiaste. Il s’agit d’un homme chez qui le spirituel et la réalité ne forment qu’un. D’un homme dont la disponibilité n’a d’égale qu’une sympathie avenante pour son prochain. Cela se sent également au travers de son œuvre.
Floreal Duran
Source: WeOneArt

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