l’exposition d’Aloumari, surnommé curieusement El Majdoub, met l’accent sur une palette figurative toute de fraîcheur et dont l’esprit des formes n’est pas sans rappeler l’univers imaginaire de feue Chaïbia Talal : spontanéité gestuelle, personnages (féminins le plus souvent) réduits à une représentation d’allure illustrative (mais aussi allégorique), emploi intuitif des couleurs dans un agencement sans artifice ; bref, c’est une composition née d’une sensibilité libérée de tous les poncifs de la pensée académique, où le plaisir de peindre, vécu jusqu’à l’euphorie, est pris tel quel à la racine et affiche un langage plastique ne s’encombrant guère d’étiquette.
Si la référence à l’art de Chaïbia Talal détone parfois dans le travail d’Aloumari, au point de parler d’un rapport maître/disciple ce dernier perpétuant plus ou moins fidèlement la mémoire de celui-là, il n’en demeure pas moins qu’Aloumari, tout en reconnaissant le génie et la grandeur de son idole, apporte quelque chose qui est bien à lui, en termes de motifs et de la façon de les concevoir et de les poser, de gammes et de lumière. Justement, en fait de lumière, l’artiste introduit une technique phosphorescente qui, à des degrés plus ou moins prononcés, opère sur la toile des changements d’effets et de nuances surprenants. Ce qui impacte sur la vision et crée, selon l’angle où l’on se place, l’illusion de voir toujours autre chose et autrement.
Aloumari est certes un peintre ludique dans le sens où le maniement du pinceau stimule en lui un sens fantastique des formes, qui cadre avec sa vision du monde, laquelle est suffisamment pourvue de mystères. Les «symboles» dont il parsème ses tableaux pourraient se comprendre comme des «paroles graphiques» enceintes d’un sourd refus des contraintes de la réalité quotidienne. L’art qu’il fait a alors des résonances libératoires. Tout en puisant dans certaines formes de la tradition marocaine, le répertoire d’Aloumari a cet avantage de résister à toute formalisation et de fuir tout conformisme. Tout son souci est de mettre sa création au diapason de son identité réelle, ce qui, comme dans le travail de Chaïbia Talal, facilite au spectateur l’accès à l’œuvre et à son identification.
Pour une première sortie en public, Mostafa Aloumari a réussi son coup ; ses œuvres ont déjà trouvé des acquéreurs. Rappelons que l’artiste est né à Casablanca en 1968, qu’il a fait des études primaires avant de les abandonner en 1978 pour faire divers métiers, et finalement se fixer comme marchand de journaux.
Source: AL Bayane Presse